La force des chiffres : Une approche collaborative pour autonomiser les défenseur·ses de l’égalité de genre avec des données 

Écrit par Coretta M. P. Jonah, Responsable principale des capacités en données, Equal Measures 2030, Aarushi Khanna, Responsable régionale pour l’Asie-Pacifique, Equal Measures 2030 et Shiwa Karmacharya, Responsable de programme, ARROW 

Dans la lutte pour l’égalité de genre et les droits en matière de santé sexuelle et reproductive (SRHR), les données sont un outil puissant. Lorsqu’elles sont combinées avec le plaidoyer, elles deviennent un catalyseur puissant pour changer les perceptions et obtenir des résultats durables, tels que des changements politiques. 

Mais que se passe-t-il lorsque les défenseur·ses manquent de compétences nécessaires pour les utiliser efficacement ? C’est le défi que Equal Measures 2030 (EM2030) a décidé de relever avec notre formation “Plaidoyer Basé sur les Données” (PBD). En mai 2024, nous avons collaboré avec ARROW pour apporter ces compétences cruciales au Réseau pour la Santé et les Droits en matière de Reproduction (RHRN) au Bangladesh. Voici comment nous transformons les chiffres en actions et les défenseur·ses en champion·nes des données. 

Surmonter les Lacunes 

Bien que les données puissent être un outil puissant, de nombreux·ses défenseur·ses de l’égalité de genre ont du mal à comprendre et à accéder aux données dont iels ont besoin pour provoquer des changements. Beaucoup manquent également des compétences nécessaires pour transformer leurs expériences vécues en histoires convaincantes qui inspirent l’action. 

Reconnaissant cette lacune, la coalition Equal Measures 2030 (EM2030) a développé le manuel de formation “Plaidoyer Basé sur les Données” (PBD) à utiliser en collaboration avec les membres de la coalition et au-delà pour former les défenseur·ses de l’égalité de genre. Les ressources complètes dotent les défenseur·ses des compétences essentielles pour utiliser efficacement les données dans leurs activités de plaidoyer. La formation PBD couvre : 

  • Introduction à l’analyse des données 
  • Création de visualisations de données 
  • Utilisation des données pour raconter des histoires convaincantes 
  • Création de messages de plaidoyer basés sur les données 

Collaborer pour l’Impact 

En mai 2024, nous avons collaboré avec notre membre de la coalition EM2030, ARROW, pour délivrer la formation PBD pour l’égalité de genre et les droits en matière de santé sexuelle et reproductive (SRHR) au Réseau pour la Santé et les Droits en matière de Reproduction (RHRN) au Bangladesh. 

Le réseau RHRN est une initiative multi-pays et, au Bangladesh, comprend sept organisations individuelles qui plaident pour des changements sur les questions de SRHR. La formation PBD a fourni aux participant·es du réseau les compétences essentielles de plaidoyer basées sur les données pour amplifier leurs propres agendas de plaidoyer. 

Avant la formation, nous avons engagé des discussions avec le réseau pour comprendre leur parcours d’utilisation des données et leurs attentes vis-à-vis de la formation. Les membres du réseau étaient déjà familiers avec les données, les utilisant pour le plaidoyer et documentant l’impact. Par exemple, une organisation, Naripokko, collecte des données pour documenter les expériences des femmes dans l’accès aux services de santé des installations gouvernementales et utilise ces données dans leur plaidoyer pour améliorer la qualité. 

Une autre organisation a indiqué qu’elle « organise des sessions sur la SRHR avec des jeunes garçons et filles dans les écoles ; dans le cadre de cette démarche, nous effectuons des enquêtes avant et après les sessions pour comprendre l’impact des sessions. Les données collectées sont ensuite communiquées aux bailleurs de fonds, sur nos réseaux sociaux comme impact de notre intervention. » 

Cependant, en tant que réseau, ils ont identifié le besoin de renforcer leur capacité en collecte de données, analyse et création de messages de plaidoyer basés sur les données. Les membres ont également prévu de transmettre ces apprentissages de la formation aux équipes de terrain. 

Développement de la formation 

En tant que coalition, nous reconnaissons la nécessité d’impliquer plusieurs voix dans la conception et la livraison de la formation. Informés par les expériences et les connaissances des défenseur·ses, nous avons co-conçu une formation en présentiel de trois jours. Nous avons cherché à équilibrer l’enseignement avec une approche pratique et participative pour engager les défenseur·ses, et ensemble, nous avons couvert des connaissances contextuelles et spécifiques sur les SRHR et la région Asie-Pacifique. 

Voici quelques témoignages des participant·es sur les concepts qui les ont le plus marqués tout au long de notre formation : 

La formation a profondément résonné avec les participant·es, leur fournissant de nouvelles perspectives et compétences. Voici ce que certain·es d’entre eux·elles ont dit : 

Portée Mondiale et Objectifs Futurs 

Depuis le lancement de la formation PBD en 2019, nous avons atteint des milliers de défenseur·ses à travers trois régions. Alors que le monde fait face à des progrès lents en matière d’égalité de genre, à la réduction de l’espace civique et à la diminution de l’aide financière pour les agendas des droits, le besoin de défenseur·ses habilité·es est plus urgent que jamais. 

Grâce à nos formations PBD, la coalition EM2030 continue de renforcer les réseaux et d’améliorer les capacités des défenseur·ses à travers le monde. Notre objectif est d’obtenir des changements politiques durables et de faire progresser l’égalité de genre à l’échelle mondiale. Nous nous engageons à étendre notre portée, à affiner notre formation en fonction des retours d’expérience et à nous adapter aux besoins évolutifs des défenseur·ses dans différents contextes. Nous croyons qu’en dotant davantage de champion·nes de compétences en données, nous pouvons accélérer les progrès vers un avenir plus égalitaire entre les genres. 

Mettre en lumière les inégalités : Récits de nos boursières en journalisme de données 2023 

Le journalisme basé sur les données est un outil puissant pour dévoiler les schémas cachés d’inégalité et exiger des actions et des comptes à rendre. Cela est particulièrement pertinent lorsque le journalisme s’appuie sur des données désagrégées, offrant ainsi une compréhension plus profonde des disparités souvent négligées et entrecroisées auxquelles sont confrontées les communautés marginalisées. En associant ces données à une narration convaincante, il est possible de motiver les décideurs à agir et de fournir aux défenseurs les preuves nécessaires pour les tenir responsables. 

Equal Measures 2030 est convaincu que renforcer la capacité des journalistes à utiliser les données sur le genre et le plaidoyer basé sur les données dans leur narration est essentiel pour faire progresser l’égalité des genres dans le cadre des Objectifs de Développement Durable (ODD) d’ici 2030. C’est pourquoi nous nous sommes associés à Salesforce pour offrir une bourse dédiée aux journalistes de données. En 2023, nous avons lancé la deuxième édition de cette bourse, offrant à 11 journalistes et professionnels de l’égalité des genres de toute l’Amérique latine une formation, un soutien, une licence du logiciel Tableau de deux ans, un accès aux données de l’Indice de Genre des ODD d’EM2030, ainsi qu’une subvention de 1 500 USD pour soutenir leur projet de journalisme de données. 

Surmonter les lacunes en matière de données 

Malgré le soutien reçu, les boursières ont été confrontés à des lacunes persistantes en matière de données. De nombreux journalistes ont soumis des demandes d’accès à l’information pour obtenir des bases de données. Cependant, une fois ces données obtenues, elles ont souvent constaté qu’elles étaient incomplètes, dans un format non ouvert et donc impossibles à réutiliser. Pire encore, elles ont parfois reçu des informations qui ne correspondaient pas à leurs demandes initiales. 

Malgré ces obstacles, rien n’a arrêté ces femmes déterminées. Par exemple, Jody García a frappé sans relâche aux portes de l’agence responsable de l’enregistrement des décrochages scolaires, tandis qu’Omarela Depablo a envoyé une multitude de courriels à DANE pour comprendre pourquoi certaines questions avaient été supprimées de l’enquête sur l’immigration. Grâce à leur persévérance et à leur dévouement à dévoiler des histoires cachées, toutes nos boursières ont finalement réussi à trouver des données et des sources exploitables, produisant ainsi des rapports innovants et de haute qualité. 

Les récits produits par ces journalistes dans le cadre de cette bourse soulignent l’importance de collecter des données désagrégées par genre et d’équiper les défenseurs ainsi que les journalistes des outils nécessaires pour transformer ces données en narrations percutantes. Nous sommes extrêmement fiers de leurs efforts pour mettre en lumière des problématiques sous-représentées et donner une voix aux communautés historiquement marginalisées. Voici quelques-unes de leurs histoires : 

María José Longo Bautista, journaliste Guatémaltèque

María a mené des recherches sur la mortalité maternelle au Guatemala au cours de la dernière décennie, en utilisant les registres d’état civil et les données du ministère de l’Éducation. Elle a découvert une corrélation significative entre les faibles niveaux d’éducation des femmes et les taux de mortalité maternelle. En utilisant les outils géoréférencés de Tableau, elle a cartographié les départements où ces corrélations étaient significatives. Son analyse a également porté sur les taux de mortalité maternelle chez les adolescentes, révélant des lacunes dans les ressources de santé et l’enseignement d’une éducation sexuelle complète dans les écoles. Enfin, elle s’est concentrée sur les orphelins laissés par les mères, une tragédie évitable. Ses conclusions ont été publiées dans le prestigieux média de journalisme d’investigation “Agencia Ocote“.

Décès maternels au Guatemala, et décès maternels selon l’accès à l’éducation – María José Longo Bautista

Mortalidad materna en Guatemala
            

Mariana Guerrero Álvarez, journaliste colombienne.

Mariana a axé ses recherches sur l’impact du changement climatique en Colombie sous l’ angle du genre, en mettant en lumière les luttes quotidiennes dues aux sécheresses dans les secteurs de la pêche et de l’agriculture, ainsi que les conséquences de la pauvreté, de la malnutrition et d’autres problèmes de santé dans ces régions. Elle a également examiné les obstacles auxquels les femmes font face pour participer aux espaces de décision, malgré leurs vastes connaissances des pratiques ancestrales de préservation de la nature et de résistance au changement climatique. Son rapport a été publié en version numérique et imprimé par le principal journal colombien, El Tiempo.

Laura María Castañeda, journaliste colombienne.

Laura a axé ses recherches sur les impacts du changement climatique sur les femmes déplacées en Colombie, mais elle a rencontré de nombreuses difficultés pour obtenir des données suffisantes. Ses travaux prennent en compte les impacts majeurs du changement climatique sur la santé des femmes, la pauvreté et l’insécurité alimentaire. 

Jovanna Mariám García Contreras, journaliste guatémaltèque.

Jovanna a utilisé une vaste base de données pour établir une corrélation entre les grossesses adolescentes chez les filles et les abandons scolaires. La géoréférenciation des données avec Tableau lui a permis d’identifier les zones critiques de ce phénomène dans certains départements, comme Verapaz. Son rapport est publié dans “No Ficcion”. 

Magda Lorena Cortés Moreno, journaliste colombienne.

Magda a enquêté sur le rôle des femmes et de la communauté LGBTQ+ dans le département de Boyacá, en Colombie, plus précisément dans la défense de leurs territoires pour éviter les migrations forcées dues aux conflits. Elle a produit un rapport multimédia, publié par l’organisation médiatique qu’elle a cofondée, “Y a mí qué”

Omarela Depablos, Venezuelan journalist.

Les recherches d’Omarela Depablo, publiées dans Crónica Uno, se sont concentrées sur les contraintes auxquelles sont confrontées les femmes migrantes vénézuéliennes sur le marché du travail colombien. Elle a mis en lumière :

  • l’écart de genre parmi les migrants, 
  • l’impact des stéréotypes et des préjugés traditionnels de genre, qui cantonnent les femmes à des emplois liés aux soins et les excluent des opportunités d’emplois formels, 
  • les obstacles à l’obtention de documents de résidence formels, aggravés par la xénophobie, qui rendent l’intégration et la progression des femmes en Colombie particulièrement difficiles. 

Les obstacles à l’obtention d’un emploi formel pour les migrantes vénézuéliennes en Colombie – Omarelo Depablos

Barrreas para conseguir empleo formalVenezolanas migrantes en Colombia
        

Jody Estefany García, journaliste guatémaltèque.

Jody a révélé des licenciements dissimulés et des dépôts de dossiers prétendument efficaces dans le traitement de la violence basée sur le genre. Ses recherches couvrent diverses formes de violence de genre, notamment les féminicides, la violence économique et la violence contre les mineurs, révélant des taux alarmants d’impunité. Respectivement, 80%, 92%, et 48% de ces crimes ne donnent lieu à aucune conséquence juridique. Son prochain rapport sera publié par “Plaza Pública”. 

Milena Paramo, activiste colombienne et Directrice exécutive de CLADEM en Amérique Latine.

Milena, directrice exécutive de CLADEM, a étudié l’évolution des grossesses chez les jeunes filles, en particulier dans le groupe des 10 à 14 ans, sur la période 2008-2017. Cette recherche fait partie du travail initié par CLADEM sur les mères adolescentes et la maternité forcée des enfants en Amérique latine et dans les Caraïbes. Elle vise à mettre en lumière un problème peu connu et peu traité dans la région et à promouvoir des changements à court terme grâce au plaidoyer basé sur les données que CLADEM mène dans la région. Son rapport sera publié sur le site web de CLADEM.

Shidhjmatnj Pardo Bohórquez (Shima), Coordinatrice de programme chez Ruta Pacifica de las Mujeres, en Colombie.

Shima, coordinatrice de Ruta Pacífica de las Mujeres, a rédigé un article sur la construction de la paix au sein des organisations qui composent Ruta Pacífica. Elle a analysé les facteurs de succès de ces initiatives et leur contribution à divers ODD. Cette analyse était essentielle pour déterminer quelles ressources l’organisation peut mobiliser pour favoriser des expériences plus réussies. Son rapport a été publié sur le site web de Ruta Pacífica de las Mujeres

Les expériences des femmes dans la construction de la paix – Shidhjmatnj Pardo Bohórquez

Experiencias
        

Danessa Luna activiste guatémaltèque et défenseure des droits humains des femmes chez Asogen.

Danessa, directrice exécutive de l’ASOGEN, a utilisé des données du pouvoir judiciaire pour enquêter sur les défis auxquels les femmes victimes de violence sont confrontées lorsqu’elles tentent d’accéder à la justice. Son analyse a révélé un schéma de rejet des affaires, notamment dans les cas de violence sexuelle et de féminicides, motivé par des critères discrétionnaires. Les recherches de Danessa, publiées sur la page Facebook de l’ASOGEN, jouent un rôle crucial dans la défense de la réforme de la justice et le suivi des actions du pouvoir judiciaire pendant la période de transition gouvernementale. 

Nous sommes extrêmement fiers des boursiers et des histoires qu’elles ont pu produire tout au long de ce processus, ainsi que du réseau de soutien qu’elles ont su créer entre elles. Comme l’a souligné Marisa Miodosky, notre conseillère principale pour la région LAC et coordinatrice de cette bourse :

Le processus a été incroyablement gratifiant grâce aux réseaux de solidarité qui se sont tissés parmi les participantes. Les boursières se soutenaient mutuellement pour surmonter les frustrations liées aux défis posés par Tableau et pour partager la réussite de la découverte d’un témoignage précieux. Elles ont également été accompagnés lors des défis typiques de leurs contextes, tels que les intempéries, les difficultés d’accès aux données pour des raisons politiques, ainsi que les migrations volontaires ou forcées auxquelles beaucoup d’entre elles ont été confrontés.

Nous espérons que les histoires produites par les boursières vous toucheront autant qu’elles nous ont touchés et que vous continuerez à suivre leur travail alors qu’elles mettent en pratique leurs compétences en narration basée sur les données. Même si le monde n’est pas sur la bonne voie pour atteindre l’égalité des genres d’ici 2030, ces récits mettent en évidence les domaines où nous devons concentrer notre attention, nos financements et nos actions.


En savoir plus sur notre bourse de journalisme de données ici : https://equalmeasures2030.org/data-fellowship/salesforce-em2030-fellowship-for-data-journalists/

Changer les récits : comment des données inclusives de qualité peuvent réduire les inégalités pour les femmes noires  

Rédigé par Ester Pinheiro, chargée de communication – espagnol, Equal Measures 2030 en conversation avec les PDG de Data for Black Lives, Yeshimabeit Milner et DataedX, Brandeis Marshal  

La sous-représentation et la mauvaise représentation des femmes noires dans les données sont un problème alarmant. La stigmatisation des données, associée à la rareté de leur représentation, efface les perspectives et les expériences des femmes noires et risque de perpétuer et d’exacerber les inégalités, les préjugés et la polarisation existants. 

Selon un document sur la perception des femmes noires par le public, rédigé par la Northwestern University et l’IPR, les jeunes filles noires aux États-Unis souffrent d’un phénomène « d’adultisation ». Elles sont considérées comme plus dangereuses et sexuellement plus conscientes, ce qui influence les perceptions selon lesquelles elles méritent des peines plus sévères que leurs pairs. Comme l’indique l’article, « ces résultats ont des implications importantes pour comprendre le rôle potentiel du grand public dans l’élaboration des expériences punitives des jeunes filles noires et soulèvent des questions sur les conséquences de leur punition pour la démocratie. » 

Yeshimabeit Milner, PDG de Data for Black Lives, souligne que les femmes noires sont représentées de manière disproportionnée, en particulier dans les données relatives à la justice pénale, en raison de représentations historiques erronées : « Nous avons été bombardés de représentations et de stéréotypes historiquement négatifs des femmes noires. Ces récits et programmes médiatiques ont été façonnés par des données erronées ou fausses et ne font que renforcer les politiques qui rendent les femmes noires encore plus vulnérables. » 

L’un des mythes les plus répandus dont souffrent les femmes noires est celui des bébés du crack. Milner souligne que « dans les années 80, on pensait qu’il y avait toutes ces femmes noires qui prenaient du crack et qui donnaient naissance à des bébés qui allaient devenir une menace pour la société. Or, 20 à 30 ans plus tard, ce sont ces bébés qui sont allés à l’université. L’issue d’un ‘mauvais enfant’ ne dépend pas de la consommation de crack par sa mère, mais de la pauvreté et du manque d’accès aux ressources, telles que l’éducation ou les soins de santé. »   

Les données sont essentielles pour démystifier les préjugés raciaux  

Lorsqu’il s’agit de l’industrie technologique et de ses produits, les femmes noires et les autres minorités sont sous-représentées. Pour renverser cette tendance et accroître la représentation, nous avons besoin de politiques efficaces. Nous avons besoin de politiques fondées sur des données de qualité, dont l’impact est mesuré à l’aide de perspectives critiques en matière de race et de genre.  

« L’utilisation de données sur l’état, l’utilisation et les inégalités dont sont victimes les communautés historiquement exclues, comme les Noirs, fournit un contexte historique, culturel et politique qui renseigne sur les lacunes des politiques existantes. Les données peuvent être utilisées soit pour nous aider à remédier à ces oublis intentionnels de notre passé, soit pour étendre l’oppression. Les données nous permettent de savoir si nous progressons ou si nous régressons dans l’élaboration de nos politiques technologiques », déclare Brandeis Marshall, fondatrice et directrice générale du groupe DataedX.  

Les efforts de collaboration de DataedX ont décelé des disparités raciales et de genre dans les domaines de données, fournissant des preuves quantitatives pour des aperçus qualitatifs. Conscient de ces disparités, le groupe a formulé plusieurs recommandations visant à garantir que les domaines de données ne laissent pas les minorités de côté. Ces recommandations ont été reprises dans le projet de déclaration des droits de l’IA publié par la Maison Blanche en octobre 2022.  

De surcroît, Data for Black Lives considère les données comme un outil permettant de dénoncer et de demander de la redevabilité. Comme l’affirme Milner, « les données sont une action collective qui permet d’avoir en partie des contre-récits et d’inverser des décennies de politiques, de programmes et de règles non écrites que les femmes noires suivent de la part de ceux qui dirigent la société et la scène du pouvoir. »  

Il ne s’agit pas seulement de données ventilées : les algorithmes racistes  

Si des données ventilées diverses et représentatives sont essentielles pour éviter la perpétuation des préjugés, nous devons également prêter attention aux algorithmes et à leur pouvoir dans la prise de décision. Comme le souligne la directrice générale de Data for Black Lives, « il s’agit de savoir quels et comment sont ces modèles, comment les systèmes de données d’aujourd’hui catégorisent-ils. » Tout d’abord, comment les algorithmes reconnaissent-ils et sont-ils capables de détecter la race et le sexe d’une personne ? Et une fois qu’ils disposent de ces informations, comment les algorithmes classent-ils les personnes en fonction, une fois de plus, des schémas historiques de discrimination ?  

Mme Milner donne un exemple qu’elle a partagée à la Maison Blanche et au Congrès américain concernant l’intelligence artificielle et les droits civils. Elle espère détrôner la note de crédit du modèle FICO en tant qu’indicateur prédominant du risque en termes de prêt. « C’est l’algorithme le plus puissant dans notre pays car plus de 90% de la population est notée par celui-ci avant de louer. »  

« À beaucoup d’entre nous, en particulier aux femmes noires, on nous dit que “ la raison pour laquelle notre cote de crédit est basse est parce que nous n’avons pas effectué nos paiements, ou à cause de ceci ou de tous ces facteurs (…) ”, mais nous ne pouvons jamais savoir quels sont les vrais facteurs, parce qu’il s’agit d’un algorithme propriétaire appartenant à une société privée. »  

Parmi les mères noires aux États-Unis, plus de 4 sur 5 (3 millions sur 3,7 millions de femmes, soit 81,1 %) sont des soutiens de famille et sont chargées d’assurer la prochaine génération de leur famille. « Beaucoup d’entre nous ont pour mission de prendre soin de toute notre famille élargie, et nous devrions avoir le droit de bénéficier d’un crédit et de ne pas avoir à payer plus pour les mêmes produits, qu’il s’agisse d’une assurance automobile, d’un prêt immobilier ou de soins médicaux – cela fait vraiment la différence. » 

D’autre part, selon certains algorithmes comme le système de notation FICO, du fait d’être noires et d’être femmes, elles sont automatiquement considérées comme moins méritantes. « Bien qu’’il soit illégal aux États-Unis de refuser un logement à quelqu’un en raison de sa race ou de son sexe, il n’est pas possible de poursuivre un algorithme en justice. »  

Pour Mme Milner, c’est la raison pour laquelle il est important de disposer de données ventilées, afin de pénétrer sous le capot de certains de ces algorithmes très puissants et de comprendre comment ils catégorisent et détectent la race et le sexe d’une personne.  

En ce qui concerne l’avenir, Brandeis Marshal dévoile l’espoir qu’elle nourrit pour les prochaines années en matière de gouvernance des données et de défense des droits. « À l’avenir, une législation sur la gouvernance des données et de l’IA sera créée, probablement sous la pression du peuple. Les gouvernements fédéraux et l’État étendront légèrement celle-ci, la codifieront dans la loi et développeront des protocoles d’application. L’accent a été mis sur la réglementation des Big Tech ces dernières années, mais je pense que la gouvernance progressive des données et de l’IA que nous verrons émanera d’abord des petites entreprises. »  

Equal Measures 2030 lance une bourse de journalisme de données en Amérique latine  

L’initiative de partenariat Equal Measures 2030, qui rassemble des leaders mondiaux issus de réseaux féministes, de la société civile, du développement international et du secteur privé, lance un appel à candidatures pour la “ Bourse EM2030 pour les journalistes de données”, avec le soutien de Salesforce au moyen de son logiciel Tableau. La bourse aidera 8 journalistes et activistes de données, qui s’identifient comme des femmes, en Colombie et au Guatemala à acquérir des compétences et de l’expérience pour raconter des histoires s’appuyant sur des données pouvant générer un plaidoyer significatif pour l’égalité de genre. 

Outre une formation approfondie à l’utilisation des données, cette opportunité comprend une licence gratuite de deux ans du logiciel Tableau, une assistance continue, l’accès aux données de l’indice de genre dans les ODD d’EM2030 et une subvention de 1 500 USD pour soutenir leur travail sur un projet de journalisme de données.  

S’appuyant sur l’expérience précédente de la Bourse de données au Kenya et en Inde, Albert Motivans, responsable des données et des intrants d’EM2030, commente la façon dont les boursières ont créé un produit de journalisme de données efficace. « Nous avons eu 16 journalistes de données extraordinaires de l’Inde et du Kenya qui ont présenté des histoires nationales convaincantes en tissant des données dans une structure solide, permettant à l’histoire de se dérouler de façon transparente pour révéler le contexte, la question urgente du genre et les actions potentielles. » 

“ L’égalité de genre et les données sont deux impératifs pour la communauté mondiale alors que nous travaillons à la réalisation des objectifs de développement durable. Nous devons comprendre où se situent les lacunes pour savoir où nous devons investir et progresser ensemble.” Ashley Monson, responsable de programme, Salesforce Philanthropy. 

Candidature au programme 

Pour la bourse, les candidates doivent avoir de l’expérience dans le journalisme de données et avoir un exemple d’au moins un article publié en utilisant des techniques de journalisme axées sur les données dans les médias. Plus d’information sur les modalités de candidature et les critères ici.  

Selon Julisa Tambunan, directrice exécutive adjointe et responsable des partenariats et de l’apprentissage à EM2030, « les candidates retenues comprennent le pouvoir des données entre les mains des journalistes et reconnaissent que les médias sont l’un des principaux moteurs du changement. Elles démontrent leur passion et leur engagement à utiliser les données pour atteindre l’égalité de genre. » 

Grâce à cette initiative, EM2030 vise à renforcer la capacité des femmes journalistes et des journalistes issues des minorités de genre à utiliser les données dans leur journalisme et à favoriser un réseau de journalistes passionnées par les questions d’égalité des genres et guidées par les données. EM2030 cherche également à étendre la portée et l’impact du journalisme sur les questions peu couvertes et les communautés historiquement mal desservies, et à améliorer les liens entre les journalistes de données et les activistes mondiaux, nationaux et locaux. 

D’anciennes boursières parlent de leur expérience  

Outre la narration, les techniques de données peuvent contribuer à modifier la manière dont le journalisme est pratiqué, en influençant la production d’informations par le biais de preuves et de la visualisation.  

« Pour que l’information puisse corriger les préjugés et influencer le point de vue d’une personne, elle doit pouvoir rester dans la mémoire des lecteurs. La visualisation des données est puissante parce qu’elle fait appel à notre mémoire visuelle – quand on voit, on se souvient », a déclaré Surbhi Bhatia, ancienne boursière de l’Inde. Pour elle, les données ont la capacité d’organiser et de générer des visualisations de grands volumes d’histoire ou d’informations clés. 

Une autre ancienne boursière, Rosemary Okello-Oriale du Kenya, partage l’idée que cette opportunité l’a aidée à développer sa capacité à raconter des histoires basées sur des données. 

« Les compétences en matière de données et d’analyse de genre acquises grâce au programme de bourses de Tableau et Equal Measures 2030 nous font prendre conscience qu’il existe de meilleures façons d’analyser les données, en particulier lorsqu’il s’agit de questions de genre. La bonne utilisation et la bonne compréhension des données peuvent faire la différence dans la lutte contre les inégalités de genre aux niveaux national, régional et mondial. » 

L’un des principaux enseignements que les boursières ont tirés de ce programme est l’aspect de l’accessibilité, comme le souligne Aarushee Shukla,une ancienne boursière indienne, qui insiste sur la nécessité d’avoir un regard intersectionnel sur les données afin d’éviter les préjugés et de représenter la pluralité de la société dont il est question : « J’ai essayé de saisir l’intersectionnalité en collectant des données démographiques sur chaque participant à l’enquête et en créant des filtres dans Tableau par religion, caste, sexe et revenu du ménage afin de voir les variations. » 

Importance des données pour l’égalité de genre  

Les données ont un rôle puissant et unique à jouer en fournissant des informations normalisées et désagrégées sur la vie des femmes et des filles afin de suivre l’impact réel des mesures politiques nationales et infranationales.  

En renforçant la capacité des femmes journalistes et des journalistes issues des minorités de genre à promouvoir l’utilisation des données dans leurs reportages sur les inégalités de genre, EM2030 pense qu’il est possible de générer un débat sur la question et d’influencer les politiques publiques et la prise de décision.  

Protéger le droit des filles à l’éducation : plaidoyer guidé par les données au Burkina Faso

Le Burkina Faso est confronté à une crise sécuritaire préoccupante, qui ravage le nord et l’est du pays depuis 2015. Les personnes les plus touchées par la violence sont les femmes et les enfants de moins de 15 ans, dont la grande majorité sont des filles. Les filles se retrouvent dans une situation encore plus compliquée du fait de la déstabilisation d’un système de santé déjà fragilisé par la pandémie de COVID-19 qui a frappé le pays pour la première fois en mars 2020.

Les attaques ont forcé des millions de personnes – en particulier des femmes, des filles et des enfants – à fuir leur foyer. L’une des attaques récentes les plus violentes s’est produite dans la nuit du 4 au 5 juin 2021 à Solhan, dans la province de Yagha (nord-est du pays), faisant environ 132 morts selon le gouvernement.  Depuis cette attaque, près de 7 000 personnes auraient fui la région touchée[1].

L’éducation étant désormais une nouvelle cible du terrorisme, un grand nombre de filles prennent du retard dans leur scolarisation lorsqu’un attentat se produit. Début mars 2020, le ministère de l’Éducation, de l’Alphabétisation et de la Promotion des langues nationales (MENAPLN) a signalé que plus de 2 500 écoles avaient été fermées en raison d’attaques ou d’insécurité, avec un impact négatif sur 350 000 élèves. Ces données dissimulent la situation souvent occultée et préoccupante de la scolarisation des filles, celles-ci faisant partie des principales victimes des attentats. Les données recueillies auprès du secrétariat technique pour l’éducation en situation d’urgence montrent que, le 5 février 2021, 2 212 écoles étaient fermées. Ces fermetures ont directement touché 147 577 filles et 12 366 enseignants, dont 4 481 de femmes[2]. Au Burkina Faso, la crise sécuritaire compromet l’accès des filles et des femmes à l’éducation et les expose en même temps à des violences basées sur le genre, telles que le mariage des enfants, les grossesses précoces, les abus sexuels et le viol.

Les solutions pour mettre fin à la déscolarisation des filles et à la spirale de violence à laquelle elles sont exposées passent par un plaidoyer auprès des décideurs politiques. Les organisations de défense des droits des femmes au Burkina Faso mènent des campagnes visant à mettre fin à toutes les formes de violence basée sur le genre, à encourager l’éducation des très jeunes enfants, à développer le leadership et à autonomiser les femmes et les filles. Cependant, elles sont confrontées à de nombreuses difficultés liées au manque de données réelles et tangibles. Grâce à un financement du gouvernement canadien, l’Initiative Pananetugri pour le Bien-être de la Femme (IPBF) et son partenaire, EM2030, répondent à cette préoccupation en mettant en œuvre le projet « Plaidoyer guidé par les données en faveur de l’éducation des filles dans les situations d’urgence en Afrique ».

L’une des activités phares de ce projet est le plaidoyer en collaboration avec le réseau d’associations partenaires de l’IPBF. Ces organisations sont au nombre de 25, réparties dans huit régions du Burkina Faso. Le réseau est composé d’associations, d’ONG et d’organismes publics qui traitent des questions concernant les droits des filles et des femmes, en particulier l’éducation des filles. Elles sont réparties en trois groupes de travail représentant trois régions du Burkina : la Boucle du Mouhoun, le Centre et le Centre-Nord. Des campagnes de plaidoyer basées sur des données et des éléments concluants seront menées dans les trois régions et au niveau central. L’objectif consiste à influencer les personnes chargées de prendre des décisions pour qu’elles fassent une priorité de l’éducation des filles et des femmes en situation de crise et/ou déplacées pour cause d’insécurité. 

Chacun de ces groupes de travail préparera une étude de cas sur des sujets liés à l’éducation des filles dans les situations de crise dans leur région, afin de pouvoir avoir accès à des données concluantes et de produire des éléments de preuve à l’appui de leurs efforts de plaidoyer. Il est également prévu de mener quatre grandes campagnes de plaidoyer dans différentes régions : la première étant la communication par le biais des médias de masse (radio et télévision) ; la deuxième étant des réunions avec les décideurs régionaux du secteur de l’éducation (maires, conseillers municipaux, gouverneurs, directeurs régionaux de l’éducation, présidents des conseils régionaux, directeurs régionaux de l’enseignement préscolaire, primaire et non formelle et directeurs régionaux de l’enseignement post-primaire et de l’enseignement secondaire) ; la troisième étant la participation à des organes de décision tels que des tables rondes régionales et nationales, des réunions du conseil municipal, le bureau du secrétariat permanent du Conseil national pour la promotion du genre (SP CONAP Genre) et la révision des plans de développement régional ; et enfin la quatrième étant une réunion avec le ministre de l’Éducation nationale et de la Promotion des langues nationales.

L’engagement affiché par l’IPBF et ses partenaires représente une lueur d’espoir pour les organisations de défense des droits des filles et des femmes et pour des milliers de jeunes filles et adolescentes touchées par la crise sécuritaire, qui rêvent de poursuivre leur scolarité et d’avoir les mêmes chances de réussite que les autres.


[1]  TV5Info:https://information.tv5monde.com/video/burkina-faso-l-attaque-la-plus-meurtriere-depuis-2015

[2] Source : carte des données commandée par EM2030, avril 2021

Où sont les données « en temps réel » sur l’égalité de genre ?

Par Alison Holder, directrice d’Equal Measures 2030

C’est la première Journée mondiale du factivisme en lien avec les Objectif mondiaux et c’est la chance de célébrer les faits qui nous aident à comprendre l’état de notre monde tel qu’il est aujourd’hui. Dans le droit fil de la mission d’Equal Measures 2030 (EM2030), qui est de mettre les données et les preuves au service du plaidoyer et de l’action en faveur de l’égalité de genre, le factivisme est notre raison d’être.

Un bon factivisme requiert de bonnes données, et en particulier des données actualisées. Les partenaires à l’origine de la journée d’action d’aujourd’hui (notamment TRENDS, GPGDD et Project Everyone) nous ont rappelé un fait important et toujours d’actualité sur l’état de l’égalité de genre, à savoir que les hommes dominent les positions de pouvoir politique puisqu’ils occupent 75 % des sièges parlementaires dans le monde. Ce fait concorde avec les conclusions d’EM2030, découlant en particulier de son Indice du genre dans les ODD : aucun pays n’a encore atteint l’égalité parfaite entre hommes et femmes et la moitié des pays – où vivent 2,1 milliards de femmes et de filles – n’atteindra pas les cibles les plus importantes en matière d’égalité de genre d’ici 2030, si le rythme actuel de progrès ne s’accélère pas.

L’absence de progrès en la matière constitue une menace pour l’ensemble du Programme de développement durable : en effet, 22 % des indicateurs des 17 ODD sont sexospécifiques et si de nombreux autres indicateurs des ODD ne sont pas spécifiques au genre, ils devraient l’être afin de refléter les avancées inégales sur certaines questions clés intéressant les femmes et les filles.

Mais il est particulièrement difficile d’obtenir des données actualisées dans le domaine qui nous occupe. EM2030 le sait mieux que personne. Pour élaborer notre Indice du genre dans les ODD, l’outil le plus complet aujourd’hui disponible pour suivre le thème de l’égalité de genre dans le cadre des ODD, nous avons compilé et passé au peigne fin des sources de données publiées dans le monde entier et concernant tous les secteurs pour prendre le pouls de la situation dans 129 pays, et ce à travers 51 questions afférentes au genre.

Malgré les efforts massifs de compilation des données que nous avons engagés avec notre partenariat mondial intersectoriel, notre indice (comme d’autres) dépend fortement des recensements de population, des enquêtes auprès des ménages et des données administratives. Or, les recensements en général ne sont effectués que tous les dix ans, les enquêtes internationales standardisées auprès des ménages ne sont mises à jour que tous les 3 à 5 ans, et les renseignements administratifs (générés à partir des systèmes d’enregistrement des naissances, ou des registres dans les secteurs de l’éducation et de la santé, par exemple), s’ils sont recueillis en permanence, ne sont compilés et connus que plusieurs années après.

La pandémie de COVID-19 a accru la nécessité de disposer de données sur l’égalité de genre en temps opportun. De nombreuses parties prenantes, dont EM2030 et ses partenaires, notamment la Fondation Bill & Melinda Gates et FEMNET, ont tiré la sonnette d’alarme sur le fait que la pandémie pourrait nous faire reculer de plusieurs décennies. Toutefois, au niveau mondial, il n’existe pas encore de données actualisées pour véritablement appuyer cette affirmation. Mais, ce qui est pire, c’est qu’il existe un risque réel que la crise sanitaire freine le recueil de données opportunes, compte tenu des restrictions budgétaires et des mesures de confinement, compromettant ainsi les efforts en ce sens.

S’il ne fait aucun doute que la pandémie de COVID-19 a exacerbé la pression, le besoin de données plus à jour n’est pas nouveau. Le manque de données actualisées en matière de genre a été soulevé tant par les décideurs⸱ses politiques que par les défenseurs⸱res de l’égalité de genre lors des enquêtes menées auprès des parties prenantes par EM2030 en 2017 et en 2018.

En 2018, nous avons travaillé avec Ipsos pour réaliser un sondage auprès de 625 défenseursres de l’égalité de genre dans le monde entier, et les résultats ont été les suivants : seulement 19 % d’entre eux ont considéré que les données étaient « actualisées » ; 86 % ont qualifié les données de « plutôt » ou « la plupart du temps » incomplètes ;  et 9 sur 10 ont attribué les lacunes en matière de données aux gouvernements qui n’accordent aucune priorité à la collecte de données sur les questions touchant les femmes et les filles.

Les décideurs⸱ses politiques ont d’ailleurs exprimé des préoccupations similaires s’agissant des délais dans la mise à jour de ce type de données. En 2017, EM2030 et Ipsos avaient procédé à une enquête auprès de 109 décideurs⸱ses dans cinq pays (Indonésie, Inde, Kenya, Sénégal et Colombie). Interrogés sur la « qualité » des données sexospécifiques dans leur pays, les deux tiers se sont dits insatisfaits de la ponctualité des données :

À l’occasion de la première Journée mondiale du factivisme en faveur des Objectifs mondiaux, nous devons célébrer le pouvoir des faits pour capter l’attention, dénoncer les injustices et inciter à la redevabilité. Mais nous devons également reconnaître que, lorsque l’on parle d’égalité de genre, il est difficile de trouver des données à jour. Ces lacunes doivent être comblées, en particulier par des investissements dans les systèmes nationaux de statistiques, couvrant tous les secteurs de manière systémique. Data2X estime que le déficit de financement des systèmes de données sur les questions de genre dans les pays à faible revenu se situe entre 170 et 240 millions de dollars US par an. Dans le contexte de la pandémie, nous devons également prioriser le suivi en temps réel des questions critiques qui, nous le savons, subissent le contrecoup rapide des crises – liées notamment aux niveaux de revenu, à l’accès à l’éducation et aux services de santé, à la violence fondée sur le genre et à la charge de travail non rémunéré que supportent les femmes et les filles. Nous savons que les revers subis dans les progrès accomplis en matière d’égalité de genre menacent l’ensemble du Programme à l’horizon 2030. Or, nous « naviguons à l’aveugle », car nous ne disposons pas de données suffisantes pour comprendre l’impact mondial, en temps réel, des crises telles celle que nous traversons sur les femmes et les filles. Nous savons que même avant cette crise sanitaire, plus d’un tiers des pays de la planète n’avaient fait que des progrès lents – voire dans la mauvaise direction – sur plusieurs paramètres clés de l’égalité de genre. Pour que les « factivistes » disposent de ce dont ils ont besoin pour assurer un rythme adéquat de progrès vers l’égalité de genre, il faut pouvoir répondre à leurs demandes de données, de manière plus ponctuelle et systématique.