Utiliser le journalisme de données pour promouvoir l’égalité de genre avec Surbhi Bhatia
Gros plan sur Surbhi Bhatia, Boursière du Data Fellowship 2021 (cohorte d’Inde)
Surbhi Bhatia est chercheuse et « raconte des histoires » à l’aide de chiffres et de graphiques. Elle analyse l’impact de la visualisation des données et certains des défis auxquels sont confrontés les journalistes de données et les défenseurs de l’égalité de genre, ainsi que des moyens de relever ces défis. Elle a été journaliste de données à Mint, le quotidien des affaires de Hindustan Times, et a travaillé avec le Finance Research Group de Mumbai. Elle est titulaire d’une licence en économie (Université de Delhi) et d’une maîtrise en politiques publiques (St. Xavier’s College de Mumbai).
AP : Pour commencer, pourriez-vous nous décrire votre parcours et votre expérience ?
SB : J’ai une formation en économie et en politique publique. J’ai occupé un poste de chercheure au sein du Finance Research Group, à Mumbai, et journaliste de données à Mint, le quotidien des affaires du Hindustan Times. La plupart de mes recherches et de mes écrits relèvent des domaines de la politique publique, de l’université et du journalisme.
AP : Vous avez dit que vous aimiez raconter des histoires avec des chiffres et des graphiques. Pourriez-vous nous parler de vos principaux publics et nous expliquer pourquoi la visualisation des données est un puissant outil ?
SB : Le public principal de tout graphique, de toute visualisation ou de tout article de presse devrait, selon moi, être un enfant de dix ans. Si, grâce à mon travail, je peux simplifier quelque chose d’aussi complexe que les allocations budgétaires ou les déficits commerciaux et l’adapter pour cette tranche d’âge, la moitié de mon travail est déjà accomplie. Pour l’autre moitié, l’histoire doit s’adresser directement aux parties prenantes, comme le gouvernement, les entreprises et les institutions financières, la société civile et, enfin, les citoyens.
La visualisation des données est puissante car elle fait appel à notre mémoire visuelle. Quand on voit, on se souvient. Elle permet d’organiser de grandes quantités de données extraites de multiples feuilles de calcul pour en faire une tendance, une histoire ou une idée clé, et ceci va bien au-delà de ce que notre esprit peut comprendre à partir de données brutes. Pour que l’information puisse corriger les préjugés et influencer l’opinion d’une personne, elle doit rester dans la mémoire du lecteur. Des outils interactifs comme Tableau et Datawrapper peuvent « imprimer » ces informations dans notre esprit pendant longtemps.
AP : Gardant cela à l’esprit, quels sont les plus grands défis auxquels vous êtes confrontée en tant que journaliste de données et défenseure de l’égalité de genre ?
SB : Le monde des données et de l’information a explosé au cours de la dernière décennie. Nous avons accès à beaucoup plus de données aujourd’hui. Cependant, les données détaillées et ventilées restent encore rares. Cette lacune constitue un angle mort pour l’action politique. Par exemple (et je cite souvent cet exemple), savoir que x % des enfants ne sont pas scolarisés peut susciter une réponse politique différente que de savoir que y % des filles et z % des garçons ne sont pas scolarisés. Si vous ne mesurez pas quelque chose, vous ne pouvez pas le gérer et le traduire en action politique. Un autre défi est que les ensembles de données sont souvent non structurés, obsolètes et peu fiables. Je pense que la technologie et les projets de collaboration peuvent résoudre ces problèmes. Un autre défi constant pour un journaliste de données consiste à se rappeler que les points de données sur nos graphiques sont des individus réels, et non de simples tendances.
AP : Comment pensez-vous que ces problèmes de données peuvent-être résolus ?
SB : Je pense que la numérisation et les solutions technologiques peuvent résoudre le problème de l’accès de tous à des données structurées. L’accès à des données fiables et organisées élimine les barrières et permet de s’assurer que chacun puisse les analyser. Pour y parvenir, nous devrons construire un écosystème qui soutient la collecte et la diffusion des données avec des outils qui minimisent les erreurs humaines. Il faut des infrastructures, des compétences, une formation et une sensibilité permettant de maintenir et communiquer des données détaillées de manière responsable.