Skip to Content
image description

Pourquoi il est essentiel d’aborder les violences basées sur le genre (et de les comptabiliser) pour l’égalité de genre 

Par Gabrielle Leite, Analyste des données sur le genre chez Equal Measures 2030 et ElsaMarie D'Silva, fondatrice de la Fondation Red Dot.

Selon les Nations Unies, la violence à l’égard des femmes et des filles est la violation des droits humains la plus répandue. À l’échelle mondiale, on estime que 736 millions de femmes — près d’une sur trois — ont été victimes de violences physiques et/ou sexuelles de la part d’un partenaire intime, de violences sexuelles par un tiers, ou des deux, au moins une fois dans leur vie. Les dernières estimations indiquent qu’en 2018, 10 % des femmes et filles âgées de 15 à 49 ans dans le monde ont subi des violences de la part d’un partenaire intime (VPI) au cours des 12 derniers mois. Les données montrent également que la prévalence de toutes les formes de VPI est plus élevée chez les femmes en situation de handicap que chez celles sans handicap. Dans leur rapport le plus récent, ONU Femmes et l’ONUDC ont indiqué que 140 femmes et filles meurent chaque jour des mains de leur partenaire ou d’un proche, ce qui équivaut à une femme ou une fille tuée toutes les 10 minutes. 

Les données jouent un rôle crucial dans la compréhension de l’ampleur de cette crise. Elles orientent les politiques, guident les interventions et permettent de surveiller les progrès dans la lutte contre les violences basées sur le genre (VBG). Les progrès réalisés en lien avec l’ODD 5 (égalité des genres) et l’ODD 16 (paix, justice et institutions efficaces) sont étroitement liés à la lutte contre les VBG. Des données fiables et comparables sont nécessaires pour mesurer si ces objectifs sont atteints. 

Notre dernier Indice de genre des ODD a montré qu’entre 2015 et 2022, le nombre de femmes victimes d’homicides volontaires s’est aggravé dans 34 pays. Les pays ayant obtenu les scores les plus alarmants pour cet indicateur en 2022 sont : le Botswana (23,7), l’Eswatini (33,4), le Mexique (39,9), le Niger (50,9), l’Équateur (53,5), le Libéria (55,1) et la Sierra Leone (63,6). À titre de comparaison, le score moyen mondial pour cet indicateur était de 79,0 en 2022. 

Les données de l’Indice mettent également en lumière une tendance troublante : la proportion de femmes ne se sentant pas en sécurité lorsqu’elles marchent seules la nuit a augmenté dans 47 pays depuis 2015. Sur 135 pays, près de 100 obtiennent un score très bas pour cet indicateur, et la majorité est en dessous de la moyenne mondiale de l’Indice (58,9 sur 100 pour 2022). Le droit de se sentir en sécurité ne devrait pas être un privilège – il devrait être une réalité universelle – mais cela restera hors de portée sans une action accélérée. 

Libérer le pouvoir des données pour faciliter la sécurité pour tous-tes 

Sans données fiables et complètes, les efforts pour prévenir et répondre aux violences basées sur le genre (VBG) sont limités, rendant difficile l’identification des schémas et des tendances. Les données aident à identifier les formes les plus courantes de violence ainsi que les facteurs de risque spécifiques associés aux VBG, tels que l’âge, le statut socio-économique, la localisation et la situation de handicap, entre autres. 

Des initiatives telles que Red Dot Foundation, une organisation à but non lucratif engagée à rendre les espaces publics et privés plus sûrs et accessibles pour tous, en particulier pour les femmes et les filles, comblent cette lacune. Grâce à son initiative Safecity, elles collectent des rapports anonymes sur le harcèlement et les abus sexuels et basés sur le genre via le crowdsourcing. 

Les femmes et les jeunes peuvent partager leurs expériences anonymement via l’application ou le site web Safecity. Elles rapportent ce qui s’est passé, y compris le type d’incident, la date, l’heure et le lieu, ainsi que tout détail pertinent tel que leur âge, leur handicap, leur appartenance ethnique ou d’autres intersections identitaires. La plateforme permet également aux utilisatrices de décrire la situation, donnant ainsi une voix aux survivantes tout en protégeant leur vie privée. 

Plus de 90 % des personnes ayant signalé des incidents sur Safecity ont confirmé qu’elles n’étaient pas allées à la police et n’avaient pas l’intention de le faire, mais elles souhaitent voir un changement systémique. Safecity offre donc une plateforme pour rendre visible ce qui est actuellement invisible. Leur ensemble de données est unique et fournit des informations exploitables pour lutter contre les violences sexuelles et basées sur le genre à un niveau systémique. 

Ces données sont agrégées et visualisées sous forme de points chauds sur une carte, mettant en évidence les tendances à un niveau local. L’objectif est de rendre ces données utiles aux individus, aux communautés locales et à l’administration locale pour identifier les facteurs qui provoquent ces comportements violents et travailler sur des stratégies de solutions. 

Les rapports collectés grâce à cette initiative mettent en évidence les zones nécessitant des interventions et informent les décideurs politiques, les forces de l’ordre et les urbanistes des préoccupations en matière de sécurité des femmes et des autres groupes vulnérables. En mettant en lumière des formes d’abus souvent sous-déclarées, ces données sensibilisent le public et améliorent la compréhension des enjeux de sécurité au sein des quartiers. 

Briser le silence 

Le stigmate culturel, la culpabilisation des victimes, la peur de la police, les procédures administratives fastidieuses et de nombreux autres obstacles ont réduit au silence les femmes et les filles, les empêchant de signaler les abus qu’elles subissent. En conséquence, beaucoup restent silencieuses, acceptant les abus comme une partie de leur quotidien, ce qui rend invisible la véritable ampleur du problème. 

Lorsque les femmes et les filles partagent leurs expériences, elles découvrent qu’elles ne sont pas seules en tant que “victimes”. Cela ne leur permet pas seulement de s’affirmer, mais crée également un enregistrement qui est crucial pour informer des interventions efficaces. 

Sans statistiques officielles précises, l’ampleur réelle et la réalité du problème restent cachées. L’initiative Safecity cherche à combler ces lacunes en créant une nouvelle voie de signalement, devenant ainsi une source de données supplémentaire. En capturant autant d’incidents de harcèlement et d’abus dans les espaces publics que possible, l’initiative ouvre la voie au développement et à la mise en œuvre de solutions ciblées et efficaces à l’échelle des quartiers. 

Jusqu’à présent, des données ont été collectées dans 86 pays et 15 langues, avec plus de 86 000 signalements d’incidents et 1,5 million de citoyens touchés. Les principaux objectifs sont les suivants : 

  • Sensibiliser au harcèlement de rue et aux abus, et encourager les femmes et autres communautés défavorisées à briser le silence et signaler leurs expériences personnelles. 
  • Favoriser le leadership communautaire et la participation des quartiers à la résolution de ces problèmes par le biais de campagnes menées avec des partenaires locaux, en encourageant les communautés à s’approprier les problèmes qui les affectent et à influencer des changements sociaux et systémiques. 
  • Collecter ces informations pour montrer des tendances localisées et informer des solutions ciblées. 
  • Mettre ces informations à disposition et les rendre utiles aux individus, aux communautés locales et aux administrations locales pour résoudre les problèmes à l’échelle locale. 

Histoires de succès et impact du plaidoyer basé sur les données 

À São Lourenço, au Brésil, une station-service était considérée comme dangereuse la nuit, mais les raisons précises n’étaient ni claires ni complètement identifiées. L’initiative Safecity s’est associée à Fabrica dos Sonhos pour lancer une recherche et encourager la communauté à partager ses expériences. Cela a révélé que cette station-service était un point chaud pour des tentatives de trafic humain et des incidents de vol. 

Grâce à ces données, il a été possible de transformer des soupçons vagues sur les problèmes de sécurité dans cette zone en connaissances concrètes, ce qui a conduit à l’envoi d’une lettre officielle au maire de São Lourenço. Cela a poussé le gouvernement local à agir, en mettant en place des rondes régulières de police et en améliorant l’éclairage autour de la station-service. 

Ce programme met en évidence le rôle de Safecity dans l’autonomisation des communautés pour découvrir les dangers cachés et créer des environnements plus sûrs grâce à une approche collaborative basée sur les données. 

Briser le silence est la première étape pour créer des espaces plus sûrs. Les femmes sont encouragées à utiliser l’application Safecity pour signaler de manière anonyme les incidents qu’elles ont vécus ou observés. Les hommes peuvent également participer activement en devenant des alliés dans la prévention de la violence, et les institutions sont invitées à renforcer leurs politiques pour un environnement plus inclusif et sûr. 

Téléchargez l’application Safecity ou visitez le site Web pour explorer les tendances en matière de sécurité dans votre région, partager votre histoire et faire partie de la solution. Ensemble, nous pouvons libérer le pouvoir des données pour créer un monde plus sûr pour tous ! 

Cette série d’articles de blog réalisée par Equal Measures 2030 vise à sensibiliser pendant les 16 Jours d’activisme et la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, afin de mettre en lumière ce problème et la nécessité de disposer de données complètes et comparables. Lisez les autres articles de cette série : 

image description
image description
Back to top