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La Journée de l’égalité salariale est toujours nécessaire, voici pourquoi.  

Avons-nous vraiment besoin d’une Journée de l’égalité salariale ? La situation s’améliore, n’est-ce pas? Malgré les progrès réalisés dans certains pays, l’écart salarial entre les hommes et les femmes persiste.  

Rédigé par Charlotte Minvielle, directrice de la mobilisation des ressources et Gabrielle Leite, analyste de données et d’informations sur le genre 

Au niveau mondial, on estime que les femmes sont payées 20 % de moins que les hommes. Cette injustice est mise en lumière chaque année lors de la Journée internationale de l’égalité salariale, qui a été fixée cette année au 15 novembre par la Commission européenne. Cette date symbolise le temps supplémentaire que les femmes doivent travailler en moyenne pour rattraper la rémunération des hommes de l’année précédente, ou en d’autres termes, le moment de l’année où les femmes commencent à travailler gratuitement. Étant donné que l’écart salarial entre les hommes et les femmes est très différent d’un pays à l’autre, la date de la Journée de l’égalité salariale est également variable. 

La situation mondiale  

À l’échelle mondiale, très peu de progrès ont été constatés dans la réduction de l’écart salarial entre les hommes et les femmes. Selon le rapport mondial 2023 sur les inégalités femmes-hommes dans le monde du Forum économique mondial pour 2023, qui couvre 146 pays, le score global est passé de 68,1 % à 68,4 %, soit une maigre amélioration d’à peine 0,3 point de pourcentage par rapport à 2022. Les pays qui ont connu la plus forte augmentation sont le Libéria avec une augmentation de 5,1 %, l’Estonie avec +4,8 % et le Bhoutan avec +4,5 %.  

L’Indice du genre dans les ODD d’Equal Measures 2030 nous montre également qu’à l’échelle mondiale, l’égalité salariale entre les hommes et les femmes pour un travail similaire a stagné entre 2016 et 2020. Parmi les 128 pays dont les données sont disponibles, seuls 45 ont réalisé des progrès rapides, tandis que 19 pays ont fait quelques progrès et 16 n’ont enregistré aucun progrès. Il est alarmant de constater que 48 pays ont enregistré une baisse, les trois plus fortes baisses étant enregistrées dans les pays d’Afrique subsaharienne: l’Afrique du Sud avec -14,6, la Mauritanie avec -12 et la République démocratique du Congo avec -10,7.  

Prise en compte des normes sociales  

Cette année, le prix Nobel d’économie a été décerné à Claudia Goldin, en reconnaissance de son travail novateur visant à démystifier les causes profondes de l’écart salarial entre hommes et femmes. C. Goldin souligne que, par le passé, les disparités de revenus entre les hommes et les femmes pouvaient s’expliquer principalement par le niveau d’éducation et les choix professionnels. Toutefois, aujourd’hui, l’écart de revenus entre les femmes et les hommes à un poste identique se creuse surtout lorsque les femmes donnent naissance à leur premier enfant.  

Une étude d’ONU Femmes et de l’OIT a aussi  révélé que la maternité, plus que le mariage, affecte la participation au marché du travail. C’est lorsque les femmes se marient et ont des enfants, en particulier en bas âge , qu’elles sont le plus susceptibles d’être exclues du marché du travail. Ce phénomène est beaucoup plus prononcé lorsqu’elles ont au moins un enfant de moins de 6 ans, ce qui met en évidence le rôle central des soins non rémunérés et de la division du travail au sein du ménage. 

En moyenne, les femmes effectuent au moins deux fois et demie plus de tâches ménagères et de soins non rémunérées que les hommes. Les stéréotypes de genre et les normes sociales enferment souvent les femmes dans des emplois peu qualifiés et mal rémunérés. Pour progresser vers l’égalité salariale, nous devons lutter contre la dévalorisation systématique du travail des femmes, en particulier dans les professions majoritairement occupées par des femmes, comme les soins infirmiers, les soins aux personnes âgées et l’éducation. 

Une véritable éradication de l’écart salarial exige toutefois d’adopter une approche multiforme et intersectionnelle, reconnaissant que les femmes de couleur, les femmes handicapées, lesbiennes et transgenres sont confrontées à des obstacles supplémentaires et uniques en matière d’égalité sur le lieu de travail. En 2020, aux États-Unis, le salaire des femmes noires représentait seulement 58 % de celui des hommes blancs non hispaniques. Il est essentiel de s’attaquer à ces inégalités systémiques pour réduire l’écart salarial entre hommes et femmes.

Une législation pour un changement systémique 

Selon un rapport interne de HP cité dans Lean In de Sheryl Sandberg, les femmes postulent à des postes uniquement lorsqu’elles pensent posséder 100 % des qualifications requises pour le poste, tandis que les hommes postulent s’ils estiment pouvoir satisfaire à 60 % des exigences. Des études précédentes (et l’opinion publique) ont également suggéré que les hommes sont souvent meilleurs pour demander des augmentations de salaire. Cependant, des recherches récentes ont mis en évidence que les femmes demandent tout aussi fréquemment des augmentations de salaire, mais qu’elles n’en obtiennent pas aussi souvent. De manière préoccupante, des études ont également montré que lorsque les gens croient que les femmes négocient moins, ils sont moins enclins à soutenir politiques visant à réduire l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes. La responsabilité de l’égalité sur le lieu de travail ne peut imputée aux employés individuels et à la confiance pour négocier le salaire.  Elle nécessite une transformation systémique.  

L’OIT a constaté que les mesures de transparence salariale peuvent être un outil puissant pour mettre en évidence les différences salariales entre hommes et femmes et en identifier les causes sous-jacentes. Elles peuvent fournir aux travailleurs les informations et les éléments de preuve nécessaires pour négocier les salaires et leur donner les moyens de contester une éventuelle discrimination salariale.  

En 2022, le Parlement européen a pris une décision historique en obligeant toutes les entreprises européennes à divulguer les éventuels écarts de rémunération entre les hommes et les femmes. Si la transparence constitue un pas important dans la bonne direction, elle peut s’avérer insuffisante si elle n’est pas soutenue par des mécanismes d’application robustes. 

Les mesures de transparence se sont révélées plus efficaces dans les pays où les taux de syndicalisation sont plus élevés. En Belgique, où près de la moitié des travailleurs sont syndiqués, l’écart salarial entre hommes et femmes a été réduit de moitié, passant de 10 % en 2010 à 5 % en 2021, grâce aux négociations collectives et aux mesures de transparence. En revanche, l’écart salarial au Royaume-Uni, où un quart des travailleurs sont syndiqués, s’élève à 9,4 % ; aux États-Unis, où environ 1 travailleur sur 10 est syndiqué, ce chiffre est de 16,3 %.  

Dans de nombreux pays, les entreprises sont obligées de publier chaque année leurs écarts de rémunération entre hommes et femmes, mais ne subissent aucune conséquence si elles ne les réduisent pas. C’est pourquoi il est nécessaire d’avoir une législation en matière d’application de la loi.  

L’Islande a été le premier pays au monde à introduire, en 2018, une politique exigeant que les entreprises et les institutions regroupant plus de 25 salariés prouvent qu’elles rémunèrent les hommes et les femmes de manière égale pour un travail de valeur égale, transférant ainsi la charge de la preuve à l’employeur. Celles qui ne s’y conforment pas encourent une amende journalière de 500 USD. Cette mesure pionnière a contribué à réduire de moitié l’écart salarial entre hommes et femmes au cours de la dernière décennie.  

L’égalité salariale n’est pas seulement une question liée au lieu de travail : c’est un impératif sociétal qui exige une action systémique. Les mouvements féministes, les syndicats, les employeurs, les décideurs politiques et la société dans son ensemble partagent tous la responsabilité collective d’abolir les obstacles à l’égalité de genre  sur le lieu de travail et de combler l’écart d’ici 2030.  

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