Comment les données peuvent-elles amplifier l’impact du journalisme ? Une conversation avec Marvel Powerson
Gros plan sur Marvel Powerson, Boursière du Data Fellowship 2021 (cohorte du Kenya)
AP : Pouvez-vous nous décrire votre parcours et votre expérience professionnelle, et nous dire ce qui a éveillé votre passion pour le journalisme de données ?
MP : Je suis depuis longtemps passionnée par les droits des femmes et les questions de genre. J’ai travaillé à la radio et dans la presse écrite, et je suis actuellement consultante en communication et journaliste indépendante. Je suis également actrice et responsable des réseaux sociaux pour une campagne sur les énergies renouvelables.
J’aime travailler sur les questions d’autonomisation des femmes, qui touchent de nombreux secteurs distincts. Par exemple, mon travail actuel dans le domaine de l’énergie est axé sur les femmes et, comme nous le savons, le changement climatique et les questions énergétiques affectent les femmes et les filles très différemment des hommes et des garçons. Je me suis intéressée au journalisme de données parce que j’aime raconter des histoires avec des chiffres. Ce qui n’est pas chiffré n’est pas comptabilisé. Et j’apprécie le fait que les chiffres apportent de la clarté et que les décisions fondées sur des données sont prises sur la base des résultats spécifiques attendus.
AP : Pensez-vous que le fait de fonder vos histoires sur des données les rend plus convaincantes pour un public plus large ?
MP : Je le pense en effet. Par exemple, au Kenya, il y a de nombreux conflits concernant les frontières et le bétail et, dans ce contexte, de nombreuses femmes sont victimes d’agressions. Le fait de disposer d’un nombre précis de femmes victimes de ces injustices permet de mettre des visages sur ce fléau. Sans chiffres, les gens pensent que c’est quelque chose qu’ils peuvent ignorer, et ils deviennent insensibles à ces injustices. Les journalistes font de leur mieux pour souligner que même un seul décès ou une seule agression est un décès ou une agression de trop, afin d’empêcher les gens de succomber à cette « désensibilisation » progressive.
AP : Dans le même ordre d’idées, lorsque vous intégrez des visualisations de données dans vos reportages, sont-elles utiles pour votre public ?
MP : Je constate que les organisations aiment utiliser des chiffres, mais nous utilisons des données si techniques que les lecteurs ne peuvent pas les comprendre. Notre public type est constitué de membres du gouvernement qui élaborent des politiques, et nombre d’entre eux ne comprennent pas les graphiques complexes. Les graphiques les plus utiles sont ceux qui ne contiennent pas trop de détails et qui se contentent de ventiler une thématique par genre pour mettre en lumière les disparités. En général, les décideurs sont des citoyens normaux, ce ne sont pas des statisticiens ou des spécialistes des données. L’une des choses qui doit changer, c’est l’éducation et le renforcement des compétences en matière de lecture des statistiques et des données. Mais en attendant, nous devons créer des graphiques qui soient « digestes » et compréhensibles pour quelqu’un qui n’est pas bien familiarisé avec les données.
Marvel Powerson est une consultante en communication et une actrice qui vit et travaille au Kenya. Elle a été productrice de radio et présentatrice pour une station de radio internationale. En outre, son parcours dans la communication l’a amenée à s’engager dans la mobilisation des ressources et les relations publiques. Elle couvre de nombreux sujets, parmi lesquels l’autonomisation des femmes et l’égalité de genre. Elle aime donner la parole aux femmes et aux filles, qui autrement, ne seraient pas entendues par les décideurs politiques et les législateurs. Ses articles disent toute la vérité aux gens de pouvoir, que ce soit au niveau étatique ou dans les milieux liés au développement. À cette fin, elle a reçu des subventions de l’Association des femmes de médias au Kenya, AMWIK, pour écrire des articles touchant à ses domaines de spécialisation. Elle est membre actif du Réseau de développement et de communication des femmes africaines, FEMNET et du Groupe de travail sur le changement climatique du Kenya, KCCWG. Elle a également joué dans des courts métrages et des séries télévisées au Kenya.