Comment le Sénégal peut continuer à progresser vers l’égalité des genres?
De Réseau Siggil Jigéen and Suzanne N’Gouandi, Chargée de Communication – Francophone, Equal Measures 2030
Comme chaque année, le mois de mars est marqué par la session de Commission de la condition de la femme des Nations Unies (CSW) qui vise à évaluer les progrès réalisés et les écarts à combler dans le cadre de la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing. Cette année, la session marque le retour en présentiel après trois (03) ans, en raison de la pandémie COVID-19 qui a mis en évidence les failles de l’égalité des genres dans le monde.
Malgré les faibles avancées en matière d’égalité des genres, certains pays ont réalisé des progrès significatifs. Le Sénégal, par exemple, a réalisé d’importants progrès entre 2015 et 2020, selon l’indice du genre dans les ODD 2022 d’Equal Measures 2030. Les progrès les plus significatifs réalisés par le Sénégal dans le cadre des objectifs de développement durable (ODD) concernent l’ODD 2 (nutrition) et l’ODD 6 (eau) grâce notamment à l’amélioration des indicateurs relatifs à la sous-alimentation et à l’accès à l’eau potable.
Le Gouvernement du Sénégal a engagé de nombreux efforts en faveur de l’égalité des genres et de l’amélioration des conditions de vie des femmes depuis l’adoption de la déclaration de Beijing. En 2010, l’État Sénégalais a adopté une loi sur la parité́ dans les institutions électives. Une loi qui a permis au pays d’obtenir l’un des meilleurs scores au niveau mondial pour la représentation des femmes au parlement. À ce jour, le Sénégal compte la plus forte proportion de femmes parlementaires jamais enregistrée en Afrique de l’ouest et se classe au quatrième rang en Afrique pour la parité hommes-femmes au Parlement.
En plus de la ratification de plusieurs conventions internationales favorables à la promotion des droits des femmes, le Sénégal a élaboré une Stratégie nationale pour l’équité et l’égalité de genre (SNEEG 2016–2026) qui vise à assurer une pleine participation des femmes et des hommes aux processus de décision et un accès équitable aux ressources et aux bénéfices du développement.
Sur le terrain, les organisations de la société civile travaillent activement à dénoncer les inégalités et les injustices entre les genres à travers des campagnes et actions de plaidoyer. À titre d’exemple, des actions de plaidoyer guidées par les données ont été menées par le Réseau Siggil Jigéen (RSJ) avec le soutien d’EM2030. Ces actions auprès des autorités locales et des entreprises privées ont permis, entre autres, d’augmenter le financement destiné à la santé reproductive dans trois communes du Sénégal et d’obtenir l’engagement du Maire de Derklé pour la fourniture de produits d’hygiène menstruelle aux jeunes femmes de sa commune (Rapport d’impact EM2030, 2023).
Malgré ces avancées notables, il existe de multiples obstacles aux droits des femmes et à l’égalité des genres. En 2022, l’examen du rapport du Sénégal devant la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) a relevé un déséquilibre concernant la représentation des femmes dans les instances décisionnelles nationales et locales. Sur les 559 collectivités locales que compte le Sénégal, seulement 15 sont dirigées par des femmes, soit un taux de 2,68%.
Outre les insuffisances dans l’application des lois, le taux de prévalence des violences à l’égard des femmes et des filles au Sénégal demeure relativement important. En effet, 27 % des femmes de 15-49 ans ont subi des violences physiques depuis l’âge de 15 ans. De plus, 68% de ces victimes de violence disent n’en ont jamais parlé, ni cherché d’aide.
Pour ce qui est de la réalisation de l’ODD 4 (éducation), le Sénégal affiche des résultats mitigés. L’espérance scolaire des filles reste très mauvaise à cause des faibles investissements au niveau national dans l’éducation primaire des filles.
Les recommandations de la société civile Sénégalaise
Dans la continuité du progrès vers l’égalité des genres, le Réseau Siggil Jigéen (RSJ) a élaboré un cahier de recommandations pour amplifier la voix des femmes et jeunes filles sénégalaises. Ce document présente les actions concrètes à mettre en œuvre au Sénégal.
Droits fondamentaux des femmes
- Modifier le Code de la Famille dans le but de renforcer les droits des femmes;
- Renforcer les programmes de sensibilisation en vue de lutter contre les discriminations
Violences à l’égard des femmes
- Vulgariser et assurer l’application effective de la loi criminalisant le viol et la pédophilie ;
- Rendre obligatoire la commission d’office d’avocat aux victimes de viol et de pédophilie ;
- Promouvoir la création de centres d’accueil et d’écoute des victimes pour un encadrement et un appui psycho-social ;
Femmes et Santé
- Prendre en charge la gestion du cycle menstruel de la fille dans les établissements d’enseignement formel et non formel ;
- Rendre effectif l’accès aux services sociaux de base et la prise en charge médicale;
- Autoriser l’avortement médicalisé́ aux victimes de viol et d’inceste et quand la santé de la femme enceinte ou celle du fœtus est menacée ;
Femmes et prises de décision
- Veiller à l’effectivité de la loi sur la Parité au niveau Local et National ;
- Améliorer le statut de la femme dans les partis politiques
Bien que disposant d’un cadre juridique favorable à la réalisation de l’égalité des genres, le Sénégal fait face à un problème d’application des lois en vigueur et la persistance de lois discriminatoires. Ainsi, l’application effective de ces recommandations contribuerait à la réalisation de l’égalité́ des genres et l’autonomisation des femmes dans le pays.